Apollinaire, Guillaume: Palace (Palais in English)
Palais (French)À Max Jacob
Vers le palais de Rosemonde au fond du Rêve Mes rêveuses pensées pieds nus vont en soirée Le palais don du roi comme un roi nu s’élève Des chairs fouettées de roses de la roseraie
On voit venir au fond du jardin mes pensées Qui sourient du concert joué par les grenouilles Elles ont envie de cyprès grandes quenouilles Et le soleil miroir des roses s’est brisé
Le stigmate sanglant des mains contre les vitre Quel archer mal blessé du couchant le troua La résine qui rend amer le vin de Chypre Ma bouche aux agapes d’agneau blanc l’éprouva
Sur les genoux pointus du monarque adultère Sur le mai de son âge et sur son trente et un Madame Rosemonde roule avec mystère Ses petits yeux tout ronds pareils aux yeux des Huns
Dame de mes pensées au cul de perle fine Dont ni perle ni cul n’égale l’Orient Qui donc attendez-vous De rêveuses pensées en marche à l’Orient Mes plus belles voisines
Toc toc Entrez dans l’antichambre le jour baisse La veilleuse dans l’ombre est un bijou d’or cuit Pendez vos têtes aux patères par les tresses Le ciel presque nocturne a des lueurs d’aiguilles
On entra dans la salle à manger les narines Reniflaient une odeur de graisse et de graillon On eut vingt potages dont trois couleur d’urine Et le roi prit deux œufs poches dans du bouillon
Puis les marmitons apportèrent les viandes Des rôtis de pensées mortes dans mon cerveau Mes beaux rêves mort-nés en tranches bien saignantes Et mes souvenirs faisandés en godiveaux
Or ces pensées mortes depuis des millénaires Avaient le fade goût des grands mammouths gelés Les os ou songe-creux venaient des ossuaires En danse macabre aux plis de mon cervelet
Et tous ces mets criaient des choses nonpareilles Mais nom de Dieu ! Ventre affamé n’a pas d’oreilles Et les convives mastiquaient À qui mieux mieux
Ah ! nom de Dieu ! qu’ont donc crié ces entrecôtes Ces grands pâtés ces os à moelle et mirotons Langues de feu où sont-elles mes pentecôtes Pour mes pensées de tous pays de tous les temps
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Palace (English)to Max Jacob
In deepest dream towards Rosemonde's palace My barefoot brain inclined for the evening Like a naked king the walls are waking Beaten flesh and fresh-cut roses
You can see my thoughts immersed in roses Smiling at the concert of the toads They are in the mood for cypress bedposts The sun is a broken mirror of the rose
What badly wounded bowman opened Stigmata of palms on the windowpane At the white lamb's love-feast I have tasted Resins that bitter the Cyprian wine
On the jagged lap of the lascivious king In the May-time of her age and finest frock Mysterious Madame Rosemonde rolls Her little round eyes like a Hun
Lady of my thoughts your pearly asshole Is unrivalled by anything Oriental For whom are you waiting Deepest dreams en route to the Orient Are my loveliest neighbors
Knock knock Come into the forecourt night is coming In shadow the night-light is toasted tinsel Hang your heads by the hair on the hat-rack The evening sky is aglimmer with pins
We entered the dining room our noses Caught a whiff of grease and mucus Of twenty soup bowls three were urine The king ate two poached eggs in bouillon
And then the scullions brought in the meat dishes A standing roast of thoughts deceased in my brain My lovely still-born dreams in slices still bloody And gamy little meatballs of memory
Dead for millennia now these thoughts Had a flavorless taste of frozen mammoth Bones or visionaries danced out of ossuaries The dance of death in the folds of my brain
And all those meats pronounced revelations But Holy Christ! A famished belly has no hearing The guests continued their best mastications
Ah Holy Christ! cried out the rib-eyes The huge pâtes the marrow and hot-pots Tongues of fire o where is the pentecost Of my thoughts for all places nations and times
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